sur les épaules de Darwin
Jean Claude Ameisen
émission du samedi 8 décembre 2012
Le lien qui nous rattache aux autres (5)
http://www.franceinter.fr/emission-sur-les-epaules-de-darwin-le-lien-qui-nous-rattache-aux-autres-5
Bribes transcrites
"voir dans l'invisible"
Certaines personnes perdent la vue, ne perçoivent plus les photons de lumière qui les frappent ou perdent les aires visuelles, le cortex visuel. Le cortex visuel a perdu la capacité de transcrire les images (..)
La personne "totalement"aveugle
Bien que les personnes soient persuadées qu'elles ne voient rien, qu'elles sont complètement aveugles, elles sont capables, de manière paradoxales, capables de voir ce qu'elles ne savant pas qu'elles voient.
Ce phénomène a pris le nom de vision aveugle et nous réinterroge sur la définition du terme voir
Vision aveugle
Il y a près de 40 ans (..) publiaient dans la revue Nature ce qui a plus tard été appelé vision aveugle...
elle s tendent le doigt dans la direction d'un point en devinant dans la bonne direction..
Elles saisissent correctement un objet... Elle se déplacent en évitant des objets ..
Mais aussi elles distinguent sans en être conscientes les émotions d'un visage..
Le dilatation de la pupille, la respiration, etc. montrent qu'elle perçoit une émotion...
sans savoir qu'elle voit.
Les systèmes miroirs du cerveau de la personne aveugle en train de regarder sont capables de mimer, de faire ressentir à la personne, l'expression de l'émotion qu'elle vont sur visage de l'autre.
De manière à priori étrange la réponse est plus rapide quand une photo est présenté dans leur champ visuel aveugle. (..)
Le traitement de l"image, la signification émotionnelle est plus rapide et intense, comme si la conscience retardaitl le partage des émotions.
(..)
-------------------
http://www.beatricedegelder.com/documents/TamDEGNRN2010_000.pdf
Neural bases of the non-conscious
perception of emotional signals
Marco Tamietto*‡§ and Beatrice de Gelder*‡||
Abstract | Many emotional stimuli are processed without being consciously perceived.
Recent evidence indicates that subcortical structures have a substantial role in this processing. These structures are part of a phylogenetically ancient pathway that has specific
functional properties and that interacts with cortical processes. There is now increasing
evidence that non-consciously perceived emotional stimuli induce distinct neurophysiological changes and influence behaviour towards the consciously perceived world. Understanding the neural bases of the non-conscious perception of emotional signals will clarify the phylogenetic continuity of emotion systems across species and the integration of cortical and subcortical activity in the human brain.
Études récentes publiées dans nature
http://www.nature.com/nrn/journal/v11/n10/abs/nrn2889.html#top
"De nombreux stimuli émotionnels sont traités sans être consciemment perçus. Des données récentes indiquent que les structures sous-corticales jouent un rôle important dans cette transformation. Ces structures font partie d'une voie phylogénétiquement ancienne qui a des propriétés fonctionnelles spécifiques et qui interagit avec les processus corticaux. Il est maintenant plus évident que non consciemment perçus stimuli émotionnels distincts induire des changements neurophysiologiques et influence le comportement envers le monde consciemment perçu. Comprendre les bases neuronales de la perception non consciente des signaux émotionnels permettra de clarifier la continuité phylogénétique des systèmes d'émotion à travers les espèces et l'intégration de l'activité corticale et sous-corticale dans le cerveau humain."
Le moi est
plus vaste que le narrateur qui dit Je.
Autour et en dessous de l’île de ce narrateur
conscient de lui-même, s’étend un vaste océan d’inconscient – fait de ce que
nous ne savons pas ou que nous avons oublié.Une vérité étonnante faite de brume et de brouillard et du fantôme non reconnaissable de la mémoire et du rêve – une vérité qui ne peut être tenue dans mes mains, car elle est toujours en train de s’envoler et de s’échapper, et je ne peux pas dire si c’est quelque chose ou rien.
Je la poursuis avec des mots. Même si elle ne peut être capturée.
Et parfois, de temps en temps, j’imagine que je m’en suis approchée.
Siri Hustvedt. La
femme qui tremble.
Articles scientifiques :
Aviezer H, Trope Y, Todorov A. Body cues, not facial expressions, discriminate between intense positive and negative emotions. Science 2012, 338:1225-9.
Underwood E. Read my hips. Science now on 29 Nov. 2012
Holle H, Warne K, Seth AK, Critchley HD, Ward J. Neural basis of contagious itch and why some people are more prone to it. Proceedings of the National Academy of Sciences USA 2012 109:19816-21.
Miller G. ScienceShot: I Scratch, You Itch. Science now on 12 Nov. 2012.
De Waal F. The antiquity of empathy. Science 2012, 336:874-6.
Zaki J, Ochsner K. The neuroscience of empathy: progress, pitfalls, and promise. Nature Neuroscience 2012, 15:675-80.
de Gelder B, van Honk J, Tamietto M. Emotion in the brain: of low roads, high roads and roads less travelled. Nature Reviews Neuroscience 2011, 12:425; author reply 425.
Tamietto M, de Gelder B. Neural bases of the non-conscious perception of emotional signals. Nature Reviews Neuroscience 2010, 11:697-709.
Keysers C, Kaas J, Gazzola V. Somatosensation in social perception. Nature Reviews Neuroscience 2010, 11:417-28.
Craig A. How do you feel – now ? The anterior insula and human awareness. Nature Reviews Neuroscience 2009, 10:59-70.
Meltzoff A, Kulh P, Movellan J, et coll. Foundations for a new science of learning. Science 2009, 325:284-8.
de Gelder B. Towards the neurobiology of emotional body language. Nature Reviews Neuroscience 2006, 7:242-9.
Pöppel E, Held R, Frost D. Letter: Residual visual function after brain wounds involving the central visual pathways in man. Nature 1973, 243:295-6.
photo carol shapiro
http://ombretlumiere.canalblog.com/tag/voir
Jean-Claude Ameisen France inter Sur les épaules de Darwin Emission du 29/01/11
Certaine
personnes perdent la capacité de voir à la suite de lésion de la
rétine. L’œil ne perçoit plus les photons de lumière qui les frappent.
Et certaines personnes perdent la capacité de voir non pas en raison de
lésions de l’œil mais de lésions qui détruisent l’aire de la vision à la
surface postérieure du cerveau, le cortex visuel. Les photons de
lumière impriment toujours sur les récepteurs de la rétine mais le
cortex visuel du cerveau a perdu la capacité de traduire cette empreinte
et de faire émerger en nous les images ; Si la lésion a détruit le
cortex de l’hémisphère droit du cerveau, c’est la vision a partir de
l’œil gauche qui est perdu. ; Si la lésion a détruit le cortex de
l’hémisphère gauche du cerveau, c’est la vision a partir de l’œil droit
qui est perdu. Si la lésion ne touche qu’une partie du cortex droit,
c’est u ne partie du champ visuel de l’œil gauche qui est perdu, ce que
l’on appelle un scotome. Et ce qui est très rare si la lésion détruit le
cortex droit et gauche dans le cerveau, la personne est complètement
aveugle. Elle ne voit rien. Et pourtant depuis plus de 40 ans des
travaux ont révélé alors que des personnes pensent qu’elles ne voient
pas, elles sont de manière paradoxalement capables de voir ce qu’elle ne
savent pas qu’elles ont vu ; Ces résultats ont pendant longtemps
étaient remis en question parce que considérés comme étranges et ils
sont maintenant pris en considération et exploré de manière importante
et précise. Ils ont reçu le nom de vision aveugle et nous pose la
question de savoir ce que signifie « voir ». Il y a une cinquantaine
d’année Ernst Pöppel aux Etats-Unis demande a des personnes qui ont des
lésions du cortex visuel de repérer un petit spot lumineux qui apparaît
au hasard pendant un temps très bref dans leur champ aveugle visuel. Ils
sont incapables de dire où est le spot. Alors il leur demande de tendre
le doigt dans la direction du sot lumineux.
Voir
ce que l’on ne sait pas que l’on a vu. La vision aveugle. Lorsque l’on
présente dans son champ de vision aveugle a une personne qui a une
vision du cortex cérébrale que se passe-t-il où dans le cerveau est vu ce que cette personne ne sait pas qu’elle voit.
Comment
est ce que je peux designer ce que je ne peux pas voir ? demande un
patient. Essayer de deviner répond le chercheur. Et les patients
désignent la bonne direction. Ils ne peuvent pas dire ni déclarer ou est
apparu le spot lumineux, mais ils peuvent le designer sans savoir
qu’ils l’ont vu. Plus tard, d’autres expériences montrent que ces
personnes peuvent saisir un objet qui apparaît soudainement ce qui
indique qu’ils apprécient sa forme, son volume, sa distance, son
mouvement sans savoir qu’ils l’ont vu.
Plus tard encore Beatrix de Gelder, en
Hollande puis a l’université Harvard aux Etats-Unis, découvre un
phénomène étrange. on demande a une personne dont les deux cortex ont
été détruit par un accident, la personne est complètement aveugle, de se
déplacer dans un couloir encombrée d’objets. La personne marche évitant
les objets sans savoir sans pouvoir dire qu’il y avait des objets et
qu’elle les a évité.Lorsque l’on présente dans son champ de vision
aveugle a une personne qui a une lésion du cortex cérébrale visuelle,
Lorsqu'on lui présente la photo d’un visage et qu’on mesure la
dilatation de la pupilles, la sueur, les changements du rythme
cardiaque, on découvre que la personne répond sans le savoir, aux
émotions exprimées par le visage sur la photo, la joie ou la peur. La
personne ressent une émotion même si elle ne sait pas qu’elle la
ressent, elle se prépare a réagir. Mais si on présente une photo de
visage ayant une expression neutre, il n’y a pas de réaction.
Si
on mesure la contraction des muscles du visage de la personne qui
regarde la photo, on découvre qu ‘elle se prépare a mimer l’expression
du visage, qu’il y a une ébauche de contraction des muscles impliqués
dans le sourire si le visage a une expression joyeuse, ou l’ébauche de
contractions des muscles impliqués dans le froncement des sourcils si
le visage exprime la peur suggérant que les neurones miroirs de la
personne en train de regarder sont en train de faire ressentir, mimer
chez la personne qui ne sait pas qu’elle est en train de voir,
l’expression, l’émotion, qu’elle voit sans le savoir sur le visage de
l’autre.
Ce
n’est pas seulement un mimétisme de l’expression du visage Si l’on
projette dans le champ visuel aveugle de cette personne, une photo d’une
posture du corps, sans le visage, posture exprimant la joie ou la peur,
les mêmes ébauches de contractions des muscles exprimant la joie ou al
peur apparaîtront sur le visage de la personne qui le regarde.
Que signifie voir? Que signifie être conscient de ce qu’on voit?
Lorsque
l’on ne dit rien à la personne en lui projetant des images, elle réagit
mais dit qu’elle n’a rien vu. Elle ne sait pas qu’elle réagit à quelque
chose.
Si
on lui demande « qu’est ce que vous voyez ? » elle répond « rien » mais
soi on lui dit «et si c’était une émotion, ce serait de la joie ou de
la peur ? », la personne répond le plus souvent correctement.
Si
son attention est attirée sur ce qu’elle voit sans le savoir, si on
lui dit qu’elle peut seulement deviner et se jeter à l’eau, alors elle
devient capable de dire avec des mots ce a quoi elle a réagit sans le
savoir. C’est comme si l’attention, dans la vision aveugle faisait
émerger l’inconscient à la conscience, incomplètement, dans un
entre-deux ou se mêle le conscience et l’incertitude. Comme si la vision
entre la vision consciente et inconsciente, était pour reprendre les
mots de Darwin, une question de degrés et non de nature.
Ce
qui peut alors émerger à la conscience est partiel, incomplet. ce n’est
pas le surgissement a partir de l’inconscient de l’équivalent de la
vision habituelle, c’est une partie des caractéristiques du monde qui
nous entoure. C’est une reconnaissance des formes simples des objets qui
apparaissent et disparaissent, de leur volume, de certains mouvements,
de certaines couleurs, des émotions exprimées par un visage mais pas de
l’identité de ce visage si la personne le connaît ni de son caractère
sexué, femme ou homme. C’est une partie de la réalité visible, qui
émerge dans la vision aveugle.
Une
autre découverte importante, est que si l’on compare la réponse,
changement du rythme cardiaque, dilatation de la pupille, sueur,
ébauches de contractions des muscles d’une personne, à une photo d’un
visage présentée dans le champ visuel aveugle, à l’effet de la même
photo présenté au champ de vision non atteint, la réponse est plus
rapide et plus intense dans la vision aveugle que dans la vision
consciente, comme si le traitement de l’image élaborée dans le cortex
visuel, comme si la conscience retardait et atténuait la réaction
spontanée.
Le
signal émotionnel perçu a plus d’effet lorsqu’il est vu dans une
autre région du cerveau que dans le cortex visuel. Mais qu’elle est
cette région qui permet de voir répondre à ce qu’on ne sait pas qu’on a
vu.
Les
influx nerveux qui proviennent de la rétine suivent au moins deux
trajets différents en parallèle. L’un de c es trajets gagne le cortex
visuel du cerveau, celui qui est impliqué dans la vision consciente et
l’autre gagne une petite région sous la surface, sous le cortex, une
région plus ancienne en terme d’évolution du vivant, qu’on appelle le
colliculus supérieur. Chez les oiseaux et les poissons c’est la
principale structure du cerveau qui est activé par la rétine. Chez les
mammifères et les primates c’est le cortex visuel qui est principalement
activé dans la vision.
Mais
l’imagerie cérébrale révèle que cette petite région, le colliculus
supérieur et d’autres régions impliquées dans les émotions et les
réponses motrices, les gestes, sont activés au cours de la vision
aveugle.
Et
chez les personnes qui n’ont pas de lésions cérébrales, cette région
est activée plus vite et pour des seuils d’activations plus faibles que
le cortex visuel.
La
vision pleinement consciente, celle qu’élabore le cortex visuel est
plus riche mais plus lente et nécessite un événement visuel plus
intense pour se déclencher. que la vision aveugle. Mais la vision
aveugle des personnes qui souffre de lésions du cortex visuel est-elle
uniquement la révélation par défaut d’une de nos manières de voir ou
résulte elle des capacités de recomposition, de compensation, de
reconstruction du cerveau.
Cette
question a été récemment explorée chez des personnes volontaires qui ne
souffrent d’aucun trouble de la vision à l’aide d’une technique: la
stimulation magnétique transcrânienne qui provoque une inactivation
sélective et transitoire du cortex visuel lorsque l’on applique un champ
magnétique sur la partie postérieure du crane et cette inactivation
transitoire révèle l’existence d’une vision aveugle lorsque le cortex
visuel est temporairement inactivé.
L’ensemble
de ces données suggère qu’une partie de notre vision, tous les jours,
et de nos réponses émotionnelles à ce que nous voyons, est inconsciente.
Quel rôle cette vision aveugle joue-elle dans nos choix, dans nos
comportements. C’est une question fascinante.
Non
seulement nous mimons en nous, par l’intermédiaire des réseaux de
neurones miroir, ce que nous voyons des expressions des autres, mais une
partie de ce que nous voyons, et de ce que nous mimons en nous, est
probablement inconscient.
Et
si nous ne pouvons pas détecter quels signaux émotionnels nous ont
touchés, nous pouvons probablement percevoir les changements émotionnels
qu’ils ont provoqué en nous même si nous n’en connaissons pas
l’origine.
C’est la part d’invisible dans le visible que nous voyons sans savoir que nous la voyons.
Tremblement de la conscience qui peut rester immergée ou soudain commencer à surgir à la surface.
Les
capacités de reconstruction de plasticité du cerveau sont remarquables.
Et c’est ce qui explique probablement chez de nombreuses personnes
atteintes de lésion du cortex visuel, des possibilités variables
d’affleurement à la conscience de cette vision aveugle.
Toujours l’image qui manque nous confie à sa recherche dit Pascal Quignard.
-Qu’est ce que vous voyez ?
-Rien
-Mais si c’était une une lettre, ce serait un A un L ou un C?
-Un L
-Et si c’était une émotion sur ce visage ce serait de la joie de la peur ou de la tristesse
-De la joie
Des
travaux de recherche récent réalisés en France par l’équipe de Sylvie
Chocron ont révélé que si on demande à des personnes qui ont perdus une
partie de leur vision en raison de lésions de leur cortex visuel, de
deviner ce qu’elles ne savent pas qu’elles voient en leur confirmant si
ce qu’elles devinent correspondent a la réalité ce qui est souvent le
cas et en leur disant lorsqu’elles se trompent, au bout de 3 mois, elles
finissent par voir consciemment ce qu’elles ne savaient pas qu’elles
voyaient et ne pouvaient que deviner quand on le leur demandait.
Ces travaux suggèrent qu’une partie du cerveau non lésé se recompose après cet apprentissage intense et répété.
De même que la lecture, la vision aveugle nous révèle la richesse et la complexité de ce qui nous parait aller de soi.
Nos
mondes intérieurs qui reconstruisent et réinventent en permanence
l’univers de ce qui nous entoure, sont plus riches de complexité, de
mystères et de possibilités que nous n’ avons souvent tendance à le
réaliser.
Qu’est ce que voir ? Qu’est ce qu’être conscient ? Qu’est ce que se souvenir ?Qui en nous dit « Je ». qui est le rêveur dans le rêve ? demande l’écrivaine Siri Hustvedt dans « la femme qui tremble »Est-ce le « je » qui marche et parle et court dans la nuit, a quoi que soit à me dire ? Il se pourrait bien que oui.
Des
travaux réalisés par une équipe américaine, il y a 10 ans comme celle
que Joseph faisait à partir des rêves du pharaon, comme nous le raconte
la bible. Comme Freud l’a fait beaucoup plus tard et de manière beaucoup
plus extensive. Non il s’agit d’expérience d’interprétation beaucoup
moins complexes et beaucoup moins subjectives.
On
demande à des personnes de jouer pendant plusieurs heures par jour,
pendant plusieurs jours à un jeu vidéo sur un écran, le jeu Tetris. Un
jeu de puzzle simple a partir de règles simples. Puis on les réveille au
moment où elle rêve et on leur demande de raconter leur rêve et elles
disent très souvent avoir rêvé du jeu.
Parmi
ces personnes, dans l’expérience, il y a des personnes ayant une
lésion complète de l’hippocampe, une petite région du cerveau impliquée
dans la mémorisation. La perte de l’hippocampe entraîne une persistance
des souvenirs conscients anciens, qu’on peut dire, mais une incapacités
de mémoriser de manière consciente ce qui est survenu et qui survient
après l’accident.
Les
personnes amnésiques peuvent apprendre à jouer à un jeu, à faire de la
bicyclette, ce que l’on appelle la mémoire procédurale non déclarative
mais elles ne se souviendront pas qu’elles l’ont appris. Dans
l’expérience ces personnes ont joué comme les autres plusieurs heures
par jour au jeu de Tétris. Et avant de s’endormir, le soir, elles ne
souviennent pas qu’elles ont joué, ni quelles personnes elles ont vu
dans la journée. Lorsqu’on les réveille pendant la période de sommeil
qui correspond au rêve, elles disent qu’elles ont rêvé du puzzle sur
l’écran vidéo elles ne se souviennent toujours pas d’avoir joué mais
elles en ont rêvé.
Le « je » nocturne du rêve pour reprendre l’expression de Siri Hustvedt sait des choses sur ce qu’à vécu la personne que la personne amnésique ne sait pas dans la lumière du jour.
Nous
avons plus de souvenirs en nous que nous ne croyons et le sommeil et
les rêves probablement nous aident chaque nuit à partir de ses souvenirs
à construire nos réponses à l’avenir imprévisible qui nous attend le
lendemain au réveil.
Combien
lentement un esprit s’aperçoit de l’étrangeté des choses, disait
Marguerite Yourcenar, combien lentement nous nous apercevons de
l’étrangeté des pouvoirs merveilleux de notre cerveau et de notre
esprit.
Le « moi » est plus vaste que le narrateur qui dit « je » écrit Siri Hustedt dans la femme qui tremble ». Autour
et en dessous de l’île de ce narrateur conscient de lui-même, s’étend
un vaste océan d’inconscient fait de ce que nous ne savons pas ou avons
oublié. Une vérité étonnante faite de brume et de brouillard et du
fantôme non reconnaissable de la mémoire et du rêve qui ne peut être
tenue dans mes mains car elle est toujours en train de s’envoler et de
s’échapper et que je ne peux pas dire si c’est quelque chose ou rien. Je
la poursuis avec des mots, ajoute-elle, même si elle ne peut être
capturer et parfois de temps en temps j’imagine que je m’en suis
approchée.
Des
personnes amnésiques souffrant de lésions de l’hippocampe, incapable de
se souvenir de manière consciente de ce qui leur est arrivé depuis leur
accident, revivent des souvenirs dans leurs rêves sans savoir que se
sont de souvenirs. Puis elles oublieront qu’elles ont raconté leur rêve.
Lorsqu’on les a réveillé, elles oublieront ce rêve mais reviendra t
il plus tard ce même rêve, une autre nuit sans qu’elle sache, pas plus
hier qu’aujourd’hui, qu’il s’agit d’un souvenir ,et ce souvenir qui
apparaît en rêve, comme un rêve et non comme un souvenir, peut il
influer sur le choix, leur perception, leur comportement.
Combien
de mémoire avons-nous en nous, gardons nous en nous sans le savoir
.consciemment et qui nous aide a construire une continuité et à nous
projeter dans l’avenir.
Y a t-il une relation entre la mémoire, le sommeil et les rêves et l’avenir ?
Un
article publié ce mois ci dans l’un des deux plus grands magazines
scientifiques du monde « Nature », explore sous un angle particulier
cette question.
Il
s’agit de souris qui courent dans un labyrinthe, qui a des composantes
particulières. Il s’agit de l’étude de leur hippocampe qui jouent un
rôle crucial dans l’inscription des souvenirs et il s’agit d’une
caractéristique particulière de l’hippocampe, sa capacité à inscrire le
souvenir de la configuration dans l’espace, une mémoire topographique,
l’équivalent d’une carte des lieux parcourus. Les cellules nerveuses de
l’hippocampe s’activent dessinant a peu prés une carte interne de la
configuration des lieux parcourus. Lorsque les souris s’endorment après
avoir couru dans le labyrinthe, pendant leur sommeil la carte interne
s’allume à nouveau, s’active de manière répétée de nombreuses fois,
s’imprimant dans la mémoire.
Mais
si la partie du labyrinthe parcouru se terminait par une porte, qui
empêchait d’entrer dans la suite du labyrinthe, qui ne pouvait être vu,
un autre phénomène se déroule pendant le sommeil. A certains moments
autres que ceux durant lesquels la carte du labyrinthe parcouru est
remémorée, une série de variations sur cette carte se met en place. Des
cartes ouvertes, changeantes, des variations aléatoires sur un thème,
comme si ce préparait l’ébauche d’une mémorisation du futur parcours
dans la partie inconnue du labyrinthe, comme si s’élaborait un
répertoire de pré-adaptation possible à une topographie encore inconnue
mais qui partagerait certaines caractéristiques communes avec celle qui
est en train de s’inscrire dans la mémoire.
Les
variations aléatoires durant le sommeil sur le thème de la mémoire
récente et probablement sur le thème de mémoires plus anciennes, sont
peut-être l’une des formes d’apprentissage qui prépare a un futur
imprévisible. L’un des multiples liens entre la mémoire et
l’imagination, entre passé et avenir qui émergent en nous dans le
sommeil dans les rêves ce que le "je" nocturne en proie a des
hallucinations dont parle Siri Hustvedt, dira au je de la lumière du
jour sans que le je de la lumière du jour ne soit conscient de ce
dialogue.
Il
y a en nous un savoir sur le monde et sur nous-mêmes et sur les autres
dont nous ne sommes pas le plus souvent conscients. Et ce continent
inconscient peut affleurer, émerger à la conscience et nous réinventer.
Mais
qu’en est il de ce qui ne semble qu’à l’évidence qu’un processus
pleinement conscient, qu’en est il de nos choix, de nos décisions
volontaires rationnelles. Se pourrait-t-il qu’il s’agisse là aussi d’une
émergence progressive à la conscience, d’un savoir inconscient qui
affleure à la conscience sous forme d’une intuition comme dans la vision
aveugle avant de se transformer en un processus conscient.
Est-il
possible que nous ressentions avant de le savoir, puis que nous le
percevions puis qu’enfin nous réalisions consciemment que nous savons.
Les émotions sont notre boussole dit le primatologue et éthologue Franz de Val. Et c’est ce que pense depuis longtemps le chercheur en neurosciences Antonio Damazio, qu’émotion et raison, comprendre et ressentir sont intimement liés.
En
1997 Antonio Damazio et son équipe publia un article dans la revue «
Science » il était intitulé «Choisir la stratégie gagnante avant de
connaître la stratégie. »
L’expérience
était une forme de jeu avec des cartes. Les personnes volontaires
reçoivent une somme d’argent virtuelle . elles ont posé devant elle sur
une table, 4 tas de cartes différents retournées.
Le tas de cartes A, B, C et D
Les personnes vont retourner une carte et peuvent choisir a chaque fois le tas qu’elles le prendront.
Une
fois retournée les cartes affichent une somme. Le plus souvent un gain
mais parfois cela sera une perte. Le but du jeu est de gagner la plus
grande somme d’argent possible et les personnes ne savent pas quand le
jeu sera interrompu par le chercheur.
Les
cartes qui affichent des gains dans les tas A et B, affichent toutes
des gains deux fois plus importants que dans les tas C et D. Mais de
temps en temps une carte affiche une perte beaucoup plus importante dans
les tas A et B que dans les tas C et D. Schématiquement, si l’on joue
avec des cartes des tas A et B on gagne deux fois plus mais les pertes
rares sont très importantes et à mesure que le temps passe, on va
perdre. Si on pioche dans les tas C et D on gagne moins, on perd moins, à
mesure que le temps passe, on devient gagnant.Les personnes ne le
savent pas. L’expérience a deux particularités, d’une part on enregistre
à l’aide d’une électrode posée sur la peau l’apparition d’un peu de
sueur qui traduit une réaction émotionnelle et d’autre part toutes les
10 cartes a peu près, on interromps un instant le jeu pour poser 2
questions au joueur.
-Dite moi ce que vous avez compris du jeu.
-Dite moi ce que vous ressentez.
Au
début pour les 20 première carte il n’y a pas de cartes de pénalité et
les joueurs ne transpirent pas puis à partir du moment où apparaissent
les premières cartes de pénalité les joueurs commencent à transpirer
avant de tirer des tas A et B mais ils choisissent indifféremment dans
les 4 tas. Lorsqu’on leur pose la question ils disent qu’il n’y arien de
particulier, qu’ils ne ressentent rien.
Puis
quelques dizaines de cartes plus tard, ils continuent à transpirer
avant de tirer des cartes mais beaucoup plus rarement des cartes des tas
A ou B mais ils ont choisi beaucoup plus souvent les cartes des tas C
et D. Ils ont choisi une stratégie de jeu qui en fait est une stratégie
gagnante.
Quand
on les interroge ils disent qu’ils ont un pressentiment, que quelque
chose ne va pas mais ils ne peuvent rien dire de précis sur le jeu
lui-même puis quelques dizaines de cartes plus tard ils diront qu’ils
ont compris et qu’ils ont décidé de changer de stratégie.
Il y a d’abord la
traduction émotionnelle puis s traduction sur le fonctionnement du
corps, la sueur qui a sans doute influencé par la suite la perception,
puis il y a eu le changement de stratégie de jeu sans le réaliser, puis
enfin la réalisation consciente de la nature du jeu et du changement de
stratégie opérée.
Les
émotions ont permis l’émergence d’une certaine forme d’intuition,
deviner comme dans la vision aveugle et d’une réponse adaptée avant que
la personne soit pleinement consciente de ce qui se passait. Et ces
émotions et cette intuition ont sans doute favorisé l’émergence à la
conscience et l’appropriation rationnelle d’une stratégie nouvelle qui
avait déjà été commencé.
Une
fois là, la pleine conscience permet la pleine appropriation, la
réflexivité, le retour sur soi, la réflexion, et des opérations mentales
et des comportements beaucoup plus riches.
Les
avancés des sciences changent les représentations que nous faisons de
nous-mêmes et des autres et ce qui nous semblait comme allant de soi
devient pour partie un mystère.
Mais
la recherche et la science elle-même autant et plus encore que
d’apporter de réponses nouvelles, fait surgir de nouveau
questionnements.
La
science efface l’ignorance d’hier dit le physicien David Gross et
révèle l’ignorance d’aujourd’hui. Ce qui n’est pas entouré d’incertitude
disait un autre prix Nobel de physique Richard Feynman ne peut être la vérité.
La
recherche nous suggère que nous sommes en permanence en train d’émerger
de nous réinventer, chaque jour nous surprend, nous inquiète ou nous
émerveille, toujours en train de naître toujours inachevé.
Jean-Claude Ameisen France inter Sur les épaules de Darwin Emission du 29/01/11
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